Militarisation de la faim à Gaza selon le Conseil norvégien des réfugiés

La situation humanitaire se cesse de se dégrader à Gaza. Les ordres d’évacuation de l’armée israélienne se multiplient comme récemment dans la ville de Gaza, où 300 à 350 000 personnes s’entassent. « À toutes les personnes présentes dans la ville de Gaza, des corridors de sécurité vous permettent de vous rendre rapidement et sans inspection de la ville de Gaza vers des abris à Deir el-Balah et Al-Zawiya », indique un tract israélien.

Évacuer, mais pour aller où ? Depuis le mois d’octobre, il n’y a jamais eu d’endroits totalement sûrs dans Gaza. Pour rappel, déjà, même dans le Sud qui était censé être sécurisé fin 2023, il y avait déjà 30 % de mortalité. Gaza ville, qui abritait un quart des habitants de l’enclave palestinienne avant le 7 octobre, a été quasiment détruite lors des premières semaines de combats en 2023. Ces derniers mois, des centaines de milliers de Palestiniens sont revenus dans des maisons en ruines au gré des ordres d’évacuations israéliens.

Depuis début mai et la fermeture du point de passage de Rafah, à la frontière avec l’Égypte, Kerem Shalom est devenu la principale porte d’entrée pour le ravitaillement de la bande de Gaza. Quelque 250 camions y passent chaque jour, d’après le Cogat, organe du ministère de la Défense israélien supervisant les affaires civiles dans les Territoires palestiniens occupés. Un chiffre bien inférieur aux 500 quotidiens d’avant-guerre.

« Le mutisme de la communauté internationale est ahurissant, condamne le président de Médecins du monde. La communication humanitaire des États-Unis est indécente. Elle nous explique qu’il y a une jetée avec un corridor humanitaire qui est censé de faire venir des bateaux depuis Chypre. Il n’est pas fonctionnel. Il y a des passages au Sud, notamment à Rafah, où des milliers de camions qui sont prépositionnés. Côté égyptien, il est fermé. Il y a un petit passage qui s’est ouvert à l’Ouest, notamment au nord de la bande de Gaza, qui est relativement fonctionnel. Mais en juin, par exemple, il y a eu 80 camions qui sont rentrés sur les 500 à 1 000 nécessaires quotidiennement pour faire vivre les 2 millions d’habitants de Gaza. Et sur les quelques camions quotidiens, la moitié sont vides. »

Selon l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), Israël de ne délivre pas assez rapidement les autorisations permettant aux convois d’atteindre certaines zones à l’intérieur de la bande de Gaza. Seules quelques cargaisons entrent et bien souvent, elles proviennent du secteur privé qui lui, ne connaît pas la crise. Trente euros la boîte d’œufs, 17 euros le lait infantile, 24 euros le shampoing, indique le Conseil norvégien pour les réfugiés. Faute d’argent, les plus pauvres échangent ce qu’ils peuvent, des vêtements ou des bijoux. « Aujourd’hui, les transferts du secteur privé sont plus efficaces que les organisations humanitaires », affirme à l’AFP Shimi Zuaretz, un porte-parole du Cogat.

Pour le Conseil norvégien pour les réfugiés, les Palestiniens sont privés de « moyens de vie essentiels ». « Il y a une véritable militarisation de la nourriture, ce qui ne devrait jamais être le cas dans une zone de conflit, car ces personnes n’ont rien à voir avec tout cela, regrette Ahmed Bayram. Ces gens sont confrontés à une situation de famine. »

« Trente-quatre Palestiniens sont morts de malnutrition depuis le 7 octobre, la majorité étant des enfants », ont déclaré le 9 juillet dix experts indépendants des Nations unies (sans parler au nom de l’ONU) accusant Israël de mener « campagne de famine ciblée ». « Il y a une famine qui est intentionnelle et qui a des allures de génocide, affirme Jean-François Corty. Ce sont les mots des Nations Unies et c’est dans la droite ligne de ce qu’à dit la Cour internationale de justice en avril en parlant de ‘risque accru de génocide à Gaza’. Et pourtant, la communauté internationale aujourd’hui reste mutique. »